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Je regarde les ombres:
Il est clair qu'avec l'âge
Je les vois bien plus sombres
Et comme en décalage.
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Platux

Gestion des couleurs

De quoi s'agit-il ?

Observée :

la portion de réalité qui est devant moi devrait m'apparaître identique...

Bien sûr, la réponse des yeux varie d'un observateur à l'autre et, pour un même observateur, elle peut changer en fonction de son âge, de sa forme physique et de son humeur...

Cependant, pour un observateur donné, à un moment donné, si les stimuli lumineux reçus de la scène réelle, de l'écran ou de la feuille de papier sont les mêmes, alors cette constance de l'observation est obtenue.

Tout l'objet de la gestion des couleurs est d'atteindre ce but.

Processus sans gestion des couleurs

Normalement, en l'absence de tout instrument, une scène est perçue immédiatement : la lumière captée en provenance de la scène est reçue directement par l'œil et, ensuite, se produit un processus, certes compliqué mais supposé connu (ref. [VISION]), qui permet de percevoir le sujet.

Dans le cas de la photo, le but visé n'est pas la contemplation directe de la scène mais son observation médiate, disons, pour fixer les idées, imprimée sur une feuille de papier. La figure suivante montre un processus de production simple mais réaliste permettant d'atteindre cet objectif.

processus sans gestion des couleurs

La scène est capturée par l'appareil de photo, qui la stocke dans un fichier en version V1. L'utilisateur transfère ce fichier sur son ordinateur où, en regardant la photo à l'écran, il la retouche pour produire un deuxième fichier contenant une version V2 plus agréable à l'œil. Puis il envoie ce fichier à l'imprimante, qui produit une image imprimée.

Ce processus est appliqué par la plupart des utilisateurs et il leur convient le plus souvent.

Cependant, pour les utilisateurs les plus exigeants, il ne donne pas une maîtrise suffisante des couleurs de l'image. Il présente en effet trois problèmes relatifs aux couleurs. Pour simplifier, s'agissant d'utilisateurs exigeants, l'hypothèse est faite que le photographe a réglé son appareil pour enregistrer sa photo en jpeg sans perte (l'emploi du raw et les procédés utilisables pour le "distiller" introduisent des possibilités supplémentaires mais constituent un sujet en soi qui ne va pas être traité ici pour ne pas trop s'écarter du thème principal [raw est un mot anglais signifiant "brut" qui ne désigne pas un format unique normalisé mais une grande variété de façons propriétaires de stocker les données "brutes"]).

Au total, il y a bien des raisons pour que la photo ne restitue pas précisément la magie de l'instant capturé...

Ces problèmes ne sont pas forcément graves ni rédhibitoires ; cela dépend à la fois de la configuration de l'équipement utilisé et, cela a déjà été dit, du niveau d'exigence du photographe.

Pour celui qui tient à optimiser sa maîtrise des couleurs, la solution s'appelle "gestion des couleurs" et elle s'attache à résoudre ou, du moins, atténuer les problèmes ci-dessus.

Processus avec gestion des couleurs

Ce processus s'attache à chacun des problèmes.

Problème n° 1 : influence de l'appareil de photo

Ce problème-ci va être seulement évoqué rapidement. Les appareils modernes offrent des possibilité intéressantes de configuration. D'une part, il est possible d'influer sur la balance des blancs pour obtenir des couleurs conformes. D'autre part - et surtout, du point de vue adopté ici - ils permettent de choisir l'espace de couleur de l'appareil. La photo suivante en donne un exemple sur un appareil SONY.

espace de couleur de l'appareil

Le photographe qui veut documenter les 50 nuances de bleu-vert des chaudes eaux des mers du Sud fera sans doute le choix "AdobeRVB" (pas sûr que ce soit suffisant !) plutôt que le sRVB, totalement incompétent dans cette gamme de couleurs. Dans la suite, ces réglages sont supposés effectués de manière optimale, selon les critères de l'utilisateur. L'auteur de cette page considère que le sRVB lui suffit et lui donne une meilleure maîtrise pour la suite.

Problème n° 2 : influence de l'espace de travail de l'ordinateur

Pour résoudre ce problème-là, l'idée est simple : puisque l'ordinateur et son affichage transforment l'image, pour avoir la "vraie" image correspondant au fichier, il "n'y a qu'à" appliquer mathématiquement la transformation inverse aux données avant de les afficher.

Il faut bien noter qu'il ne s'agit pas là de modifier le fichier-image mais seulement de corriger la fonction d'affichage pour lui faire transmettre à l'écran des données en annulant la déformation des couleurs.

Pour faire ceci, il faut essentiellement deux éléments :

Le premier élément implique d'utiliser un petit équipement (matériel et logiciel) spécifique mais ne soulève pas de difficultés insurmontables. Le résultat du travail de caractérisation est un profil icc, un fichier (qui porte en général un nom en .icm avec m pour monitor) qui contient les caractéristiques de l'écran. Il suffira de mettre convenablement ce fichier à disposition du système d'exploitation pour obtenir la correction voulue.

Le bât blesse en général davantage pour le deuxième élément. La capacité d'un écran à bien rendre un certain éventail de couleurs s'appelle son gamut. Rares sont les écrans de portables à posséder un gamut assez large pour le photographe (réf. [DALLES]). L'utilisateur vraiment exigeant peut donc être porté à investir dans un ordinateur ou un écran spécifique. Seul un écran possédant un gamut assez large pourra effectivement exprimer le résultat de la correction décrite au point précédent. A titre d'information, le gamut mesuré sur un portable doté d'un écran de qualité (dalle IPS, caractérisée avec argyll et dispcalgui sous linux) est présenté ci-dessous. Il se superpose quasiment à un profil sRGB standard (ce qui n'est déjà pas si mal).

profil écran

Cela dit, un espace de couleur n'est en fait qu'une fonction faisant correspondre des couleurs (sensations physiques) à des nombres (tout appareil qui manipule des couleurs possède son propre espace de couleur ; une implémentation courante est que l'ensemble de départ est l'ensemble des triplets des nombres entiers représentés par des octets et l'ensemble d'arrivée une partie de l'ensemble des couleurs visibles par un être humain). Rien n'empêche l'utilisateur de considérer que son fichier-image (collection de nombres) décrit sa photo (distribution de couleurs présentées à l'œil après tirage sur papier) dans un espace de couleur plus grand que celui de l'écran de son ordinateur, englobant par exemple celui de son appareil de photo. Dans ce cas, il ne pourra pas distinguer à l'écran les couleurs qui sont sur le bord de l'espace de couleur de la photo mais il peut quand même y travailler son fichier-image en escomptant que les couleurs de la photo seront visibles sur le papier. Evidemment, si l'espace de la photo est beaucoup plus grand que celui de l'écran de l'ordinateur, la maîtrise des traitements d'image appliqués est mauvaise (car, à proprement parler, l'utilisateur travaille alors en aveugle sur une partie de l'espace de couleur).

Problème n° 3 : influence de l'imprimante

A l'instar du paragraphe précédent, il faut que l'imprimante applique une correction qui lui permettent de donner un résultat satisfaisant et fidèle. Les pilotes d'imprimantes sophistiqués font déjà une partie du travail en tenant compte, par exemple de la nature du papier utilisé. De plus, il est également possible d'étalonner l'imprimante.

Toutefois, ce travail ne fait que la moitié du chemin. En effet, la version V2 du fichier-image (nombres) qui est transmise à l'imprimante ne représente la photo voulue par l'utilisateur (objet visible) que dans l'espace de couleur défini par ce dernier pour sa photo. L'imprimante doit donc tenir compte de cette définition. Pour cela, il faut la lui transmettre en assignant au fichier image le profil de l'espace de couleur voulu (cette assignation associe le profil "pour info" au fichier image sans convertir celui-ci).

Il a été dit plus haut que l'espace de couleur de la photo pouvait être plus grand que celui de l'écran de l'ordinateur et contenir, par exemple, celui de l'appareil de photo. En pratique, il est intéressant qu'il englobe aussi l'espace de couleur de l'imprimante, sinon les possibilités de celle-ci ne sont pas pleinement exploitées. Il n'est cependant pas souhaitable qu'il soit trop grand, sous peine de voir disparaître des nuances à l'impression... En fait, il est possible d'influer quelque peu sur l'effet de ces pertes d'information en choisissant une orientation pour le "rendu" de la conversion (par exemple, dans le GIMP, l'utilisateur a le choix entre "Perceptif", "Colorimétrie relative", "Saturation", "Colorimétrie absolue" qui sont des lois différentes pour faire correspondre les espaces de couleurs). Choisir ce rendu revient à se donner des règles (de calcul) pour faire entrer l'édredon (espace de couleur de la photo) dans la valise (espace de couleur de l'appareil d'affichage ou d'impression) ; cela n'a d'effet que si la valise est plus petite que l'édredon.

Conclusion

En définitive, avec quelques simplifications, le processus avec gestion des couleurs peut être représenté par la figure suivante.

processus avec gestion des couleurs

Vocabulaire

D'abord, cette description permet de préciser la terminologie en matière d'étalonnage, parfois employée de manière un peu flottante...

Les Anglo-Saxons emploient en principe calibration pour le "réglage" (consistant à ajuster la luminance, le point blanc et le gamma du moniteur) et profiling pour l'opération consistant à mesurer les caractéristiques de l'écran et à déterminer son profil (ref.[CALIBRATION1, CALIBRATION2]).

La documentation de Ubuntu relative à Argyll (réf. [ARGYLL]) emploie le mot "calibrer" pour dire "régler physiquement 3 paramètres de l'écran: la température de couleur, la luminance et le gamma", ce qui est une extension admissible du mot (dans son sens de "donner les dimensions voulues à un objet"), et caractériser (="Mettre en évidence le ou les traits dominants ou distinctifs d'une chose") pour la détermination des caractéristiques qui permet ensuite le calcul du profil.

Cependant, calibration peut aussi se traduire en français par "étalonnage", mot dont le sens dépasse nettement le réglage.

Au total, en français, il semble possible de garder "calibrer" pour la phase de réglage initial et "caractériser" pour la phase de mesure et de construction du profil (puisque le profil est bien une caractéristique de l'écran) et d'employer "étalonner" pour couvrir l'ensemble de l'opération constituée de ces deux phases (cf. réf. [ETALONNAGE] pour voir une description technique sous GNU/Linux).

Stratégie

Ensuite, les éléments présentés permettent à chacun de réfléchir à sa "stratégie" en matière de gestion des couleurs. En effet, il n'existe pas une manière unique de procéder qui conviendrait à tout le monde.

Pour illustrer, le diagramme ci-dessous montre quelques espaces de couleur et gamuts sur le fond de l'espace chromatique xy de la CIE.

gamuts sur wikipedia
Tiré de la page File:CIE1931xy_gamut_comparison.svg de Wikimedia Commons
(merci aux auteurs : BenRG et cmglee)

Vouloir maîtriser ses couleurs n'implique pas d'adopter les espaces de couleur les plus grands - cela peut même être contre-productif si l'équipement utilisé n'est pas approprié.

Le choix d'une méthode personnelle doit partir de la détermination de l'étendue des nuances colorées que l'utilisateur a besoin de restituer dans ses productions. Le diagramme ci-dessus indique que les zones discriminantes se situent surtout dans la bande haute vert-cyan et dans la bande basse rouge-magenta. Le gamut "ProPhoto" couvre très largement ces bandes. Par ailleurs, la différence entre le sRVB et adobeRVB ne se manifeste que dans la gamme vert-cyan.

De cette analyse découlent le choix d'un espace de couleur pour les photos, puis l'acquisition d'équipements capables d'exprimer le volume chromatique choisi et, enfin, la mise en place des dispositions de gestion des couleurs avec les profils appropriés.

Pour conclure, sachant que l'étendue de gamut a aussi un coût, sauf besoin très spécial, l'auteur de cette page a tendance à penser que mieux vaut un sRVB bien maîtrisé qu'un espace de couleur plus étendu utilisé de façon incohérente.

Références

[VISION] Vision des couleurs

[DALLES] Colorimétrie : écrans de portable.

[CALIBRATION1] Color management 3 – monitor calibration

[CALIBRATION2] Monitor calibration and profiling

[ARGYLL] Calibrer un écran avec Argyll CMS

[ETALONNAGE] Etalonnage d'un écran avec un colorimètre Spyder 4 sous GNU/Linux.

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© Sellig Zed, 19.XI.2014.


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